— procedural aesthetics — usual objects — postcapitalist — ecoangst — transrural — sourcing — upcycling —
Je ne me considère ni comme un designer, ni comme un artiste, ni même comme un artisan, mais bien comme, peut-être un mélange des trois.
Le designer se concentre sur la forme, au mieux avec un souci de l’usage de l’objet et de la façon dont l’industrie pourra le produire. L’artiste se préoccupe du message qui lui permet de déterminer une forme, avec, dans un deuxième temps, un apport technique nécessaire. L’artisan se polarise sur la technique et les matériaux, la mise en valeur de l’excellence de son savoir-faire.
Je me situe quelque part entre ces différents états d’esprit, dans la mesure où mon travail est conduit par ce que je nomme « l’esthétique procédurale ». La forme de mes meubles est une conséquence logique, évidente, des buts initiaux que je me fixe. Elle n’est même pas une conséquence de la fonction comme le veut l’adage moderniste « la forme suit la fonction ». Si la forme suit la fonction, alors la réalisation d’une table est vite décidée. Vous avez besoin d’une hauteur de 74cm et de place pour les jambes et c’est fait ! La fonction laisse beaucoup de choses indéterminées.
J’ai alors introduit dans ma réflexion de nouveaux paramètres principes : elle doit être en kit pour contrer les critiques à propos du bois massif qui n’est pas adapté à une vie nomade.
Une autre contrainte, plus écologique cette fois, consiste à me limiter au bois trouvé sur des sites d’annonces privées. Comme un chercheur de trésor, j’écume le web de petites annonces à la recherche de planches et d’arbres séchés. Je m’approvisionne chez des fermiers ou chez d’anciens ébénistes qui espéraient un jour travailler le bois séché si longtemps, mais malheureusement, ça n’est jamais arrivé. Les négociants en bois ne peuvent pas acheter ces planches car elles n’ont pas les certifications obligatoires (SFC). Quant aux amateurs, ils n’ont besoin que de quelques planches. Donc, c’est aux gens comme moi de sauver ce bois. Ce que j’entreprends n’est pas du recyclage, ni de la récupération. C’est reprendre le fil d’une histoire, conclure le cycle de vie d’un arbre d’une manière qui l’honore. Ma tâche est de réévaluer les choses qui tombent à travers les mailles de notre société, aussi en utilisant les machines analogues qui n’ont pas survécu à la digitalisation dans la menuiserie.
Une dernière contrainte est le type de bois que j’utilise. J’ai décidé de me servir principalement de poirier et de noyer. J’ai découvert ces essences en commençant l’ébénisterie dans les années 80. J’aime la subtilité de leur matière, il est aisé de les travailler et le sablage, l’onction d’huile sont des plaisirs presque érotiques ! Contrairement aux planches standard qui ont toutes une épaisseur déterminée (12, 18, 21 mm, etc.), le bois massif permet au designer une grande liberté. Cette liberté est uniquement contrainte par le bois qui joue ; il est vivant et il respire. Quand il dessine un meuble, on doit donc prendre en compte l’humidité de l’environnement, l’emplacement du meuble dans la pièce, la façon dont le bois a été séché, etc. Chaque culture a développé sa solution face à ces problématiques : l’ébénisterie japonaise traditionnelle diffère de celle qui a été employée par certaines cultures africaines ou médiévales européennes.
Est-il possible d’ajouter à ce vaste champ d’expertises ? Comment associer l’idée populaire de l’assemblage à la suédoise à la complexité technologique d’une pièce japonaise, aux lignes claires des meubles modernistes et à la qualité sculpturale d’un tabouret dogon ? Sachant que le design doit toujours répondre aux conceptions de vie et de société qui reignent à son époque, comment réagir aux défis de nos jours ? Je propose des meubles post-industriels, sur mesure, et fabriqués localement. C’est en ceci que consiste mon approche artistique, si vous voulez, ma réponse aux conditions de vie dans un système capitaliste reposant sur sa dernière patte.
I consider myself neither a designer, nor an artist, nor a craftsman. The first one focuses mainly on form, at best complemented with considerations regarding the use of the object and the way it can be produced by the industry. The artist is concerned with content and determines the form accordingly, with less practical concerns. The craftsman concentrates on technique and material, to highlight his know-how.
I’m situated somewhere in between in the sense that my work is guided by what I call ‘procedural aesthetics’. The form of my furniture is a logical consequence of the initial goals I set myself. The form is not even a consequence of the function as the modernist adagio ‘form follows function’ indicates. After all, the function of a table, for example, is quite limited. You have to be able to sit at it, which means that it has to have a height of 74cm and room for your legs. The function thus still allows a lot of freedom.
The constraints that I impose myself have to do with, for example, the need to be able to flat pack a table, in line with today’s nomadic lifestyle. As such, I counter the criticism that massive wood is heavy and difficult to move.
Another constraint, more ecological this time, is the fact that I only work with wood found on second hand websites. I scour these websites for trees and boards, as if they are treasures to be hunted down. I buy these trees from retired cabinet makers and farmers who had them cut up in boards and dried them in the hope that one day, they would use them, which never happened. Regular wholesalers cannot buy these boards because these do not have a SFC stamp. And a hobbyist cabinet maker will only buy a couple of boards. So, it’s only people like me who can salvage this wood. What I do, is neither recycling wood, nor upcycling it, but picking up a thread, finishing the life cycle of a tree in a way that honors it. I try to re-evaluate the things that fall through the cracks of our society, also by using analogue machinery that did not survive the digital turn in the woodworking industry.
A final constraint is the kind of wood I use. I work exclusively with massive wood, more specifically with pearwood and walnut. I discovered these essences when I started out as a cabinet maker in the 80’s. I love their wood patterns and they are very easy to work with; sanding and oiling pearwood is almost an erotic pleasure! In contrast to the predetermined thickness of standard wood boards (12, 18, 21 mm, etc.), massive wood allows the designer a lot of freedom. However, this freedom is counteracted by the fact that wood works: it’s alive and it breaths. This means that, when designing a piece, the cabinet maker has to take into account the humidity of the climate, the future position of the furniture in the room, how the wood was dried, etc. Each culture developed different solutions to these problems: Japanese cabinet making differs from certain African cultures and medieval European solutions.
Can something be added to this vast field of expertise? How to combine the Swedish genius of assembly with the technological complexity of a Japanese piece, the clean lines of modernist furniture and the sculptural quality of a dogon stool? Knowing that design always responds to the conceptions of life and society that reign at its time, how to respond to the challenges of our times? I offer post-industrial furniture, made to measure, and locally produced. This could be considered my ‘art’, my answer to the life conditions in a capitalist system that is running on its last legs.